Nés en 1989, que retiennent-ils de Tiananmen ?

0406-08

Pour certains, être nés l’année de la répression de Tiananmen est un constant rappel de ce qu’un régime autocratique est capable de faire quand il fait face à la dissidence. Pour d’autres, ces évènements tragiques font partie des brouillards de l’histoire, et vont s’estomper alors que le temps passe.

Photo: les étudiants et les militaires ensemble devant le Grand Hall du Peuple sur la Place Tiananmen (天安門廣場) le 3 Juin 1989 au soleil couchant (Archives AFP).

HONG KONG 香港 – Sun Xuebin, est né dans le Shangdong. A 25 ans, il est désormais éducateur à Pékin. Il n’a appris cet évènement que quand il avait 18 ans. « Ma mère m’a alors dit que mon oncle, son frère, était à Pékin à ce moment là, et qu’elle avait eu peur qu’il ne finisse en prison. Ce moment de l’histoire de notre pays est tabou pour nous, et les détails ne sont pas très clairs ».

Alex Li, né dans le Sichuan indique qu’il n’a appris ces évènements que quand il étudiait en France. Il se rappelle avoir vu des documents avec des amis. « Nous avons commencé à chercher des vidéos sur le web, et nous les avons regardé toute une nuit en parlant. Je pensais que c’était absurde. Comment je ne pouvais ne pas connaître ce moment de l’histoire de mon pays ? Je pense en fait que la situation n’est pas aussi simple que ce que l’Histoire en dit. Certains leaders sur la Place voulaient vraiment le pouvoir, personne ne manifestait pour les bonnes raisons ».

Depuis 1989, beaucoup de choses ont changé en Chine, le pays est la seconde économie du monde, la vie à l’occidentale, les modes occidentales sont désormais suivies et copiées en Chine, et cette vie offre à la jeune génération un luxe qu’aucun de leur ancêtre n’a jamais connu. Certains critiques désapprouvent que les jeunes de 2014, à l’inverse de ceux de 1989, n’aient plus d’idéaux politiques à défendre. Et même si, à l’heure du numérique, Weibo (微博) [le Twitter chinois contrôlé : ndlr], permet de se défouler, M.Sun et M.Li affirment ne pas avoir forcément envie de se battre pour une politique qui semble corrompue, et loin de leurs préoccupations quotidiennes. « Je ne m’intéresse pas à la politique. J’ai bien assez de problèmes de mon côté », indique M.Sun.

Lin Jun-jie, étudiant diplômé de l’Université Nationale de Taiwan (NTU 國立臺灣大學), se rappelle avoir pris conscience de cette affaire quand il avait 9 ou 10 ans. « Au début, j’étais comme beaucoup, je pensais que la Chine était un pays sombre où régnait le chaos, sans liberté. Maintenant, j’ai appris toute l’histoire, je me suis documenté. Le pouvoir en place à fait une énorme erreur à l’époque, mais le temps efface ces ombres, et il est inutile de s’y raccrocher davantage ».

Pour des étudiants plus engagés comme Lo Yan-chi, qui fut parmi les manifestants contre le Train à Grande Vitesse entre Hong Kong et Canton en 2010 dans les rues de Hong Kong, l’émotion est toujours importante quand il repense à Tiananmen. « C’est émouvant de voir comment à l’époque des jeunes pouvaient aller jusqu’au sacrifice pour le bien commun et la liberté ». Alors que récemment certains suggéraient que pour le bien des relations entre Hong Kong et Pékin, la veillée aux chandelles du 4 Juin au soir devait être arrêtée, M.Lo insiste pour faire perdurer cette cérémonie. « Qu’on le veuille ou non, le destin de Hong Kong est lié à celui de la Chine depuis Juillet 1997 [rétrocession du territoire par la Grande Bretagne: ndlr], et il faut que les hongkongais comprennent, et continuent d’entretenir la connaissance du réel Parti Communiste au pouvoir à Pékin, un parti qui est capable de massacrer des civils pour son propre intérêt. En 2047, après 50 ans de ‘stand-by’, Hong Kong ne sera plus une Région Spéciale, mais une simple ville chinoise, notre génération doit être vigilante envers ce qui se passera alors. Nous devons transformer nos spécificités locales en forces politiques » •

Olivia Tam 譚美文
Correspondante à Hong Kong
olivia.tam[at]taipeisoir.net

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